Les Gabonais ont-il une âme nationale ?
Dr Bitsutsu-Gielessen – 21.08.2012
Une fois de plus l’actualité à chaud du Gabon et le projet
d’arrestation de Mba Obame me sortent de ma distance et m’interpellent ; en
effet, au-delà du régime des Bongo toujours égal à lui-même c'est-à-dire une
kleptocratie organisée qui glisse vers la terreur faute de solutions à la
demande sociale, c’est l’attitude du peuple Gabonais souverain qui me
déconcerte. Tout laisse à croire que les Gabonais ne se sentent en rien
concernés par les évènements qui ont lieu dans leur pays et leur silence
coupable compromettant m’afflige et m’attriste.
Voyez vous-mêmes : en 2009 nous avons eu des massacres à
guichet fermé à Port-Gentil ce n’était pas grave, c’étaient des Orungu, des
Nkomi et quelques Punu. Personne ne s’en est ému. La semaine dernière nous
avons eu une répression sanglante à Cocotiers… Ce n’était pas grave, c’étaient
des Fangs, personne ne s’en est ému. Où va t-on ?
Aujourd’hui avec Mba Obame, jamais la fibre ethnique n’a été
autant agitée par le pouvoir. Pourquoi ? Parce que le pouvoir sait qu’en tant
de crise il faut un bouc émissaire, un stratagème. Ali Bongo entouré
d’étrangers ne pouvait pas attiser la fibre nationaliste et le contexte aidant,
le tribalisme avait plus de chance de fonctionner. En effet, pour le pouvoir,
il est rentable ethniquement et politiquement de focaliser l'attention sur Mba
Obame, ancien ministre, ancien baron du système et Fang, et qui plus est, Fang
du Nord. Ainsi, le pouvoir des Bongo fait de Mba Obame une priorité nationale
au risque de l’arrêter et d’en faire un Holocauste.
Oui je sais, Mba Obame est loin d’être un saint c’est même
un acteur de la tragédie gabonaise mais cela ne fait pas de lui une victime
expiatoire sacrifiée sur l’autel du tribalisme et de la lâcheté consensuelle.
Pourquoi les Gabonais veulent-ils à la fois que Mba Obame les débarasse des
Bongo et par la suite soit neutralisé? il doit être sacrifié parce qu’il est
Fang donc tribaliste et ancien baron. Toutes cette ambiguïté résume bien
l'inconscient politique d'un peuple chloroformé par 50 ans de dictature ayant
perdu ces repères d'homme libre conscient et digne. Je peux me permettre
d'affirmer que si Mba Obame fait comme lors de la campagne de 2009 un
certain pas en avant et reconnaître qui figure dans le train des biens mal
acquis, prenait des engagements FORTS en ce sens, il pourrait retrouver une
certaine estime dans le peuple Gabonais.
Et, je vous le dit : arrêtez votre vampire, chaque vie
humaine compte, chaque Gabonais doit apporter sa pierre à l’édifice de notre
Gabon libre. L’illégitimité d’Ali Bongo l’hante au point de paraître amoindri,
paniqué et fébrile devant un Mba Obame lui-même diminué par la maladie, se
déplaçant à l’aide de béquilles. Pour ainsi dire, cette indexation et la mise
au banc des Fangs et du leader d’origine Fang de l’opposition visent à
maintenir la domination de la minorité de bandits qui pillent ce pays.
Le pouvoir au Gabon affirme sa faiblesse et son manque
d’audience nationale, et doit compter de plus en plus sur la répression pour
tenter de générer un semblant de respect. Au manque de légitimité s’ajoute le
défaut de stratégie, de visibilité et de stature du chef de l’Etat. En voulant
faire de Mba Obame coûte que coûte un exemple de châtiment et de
neutralisation, Ali Bongo veut donner un signal fort en direction de tous ceux
qui ont une velléité de braver son pouvoir. Par conséquent une fois de plus et
de trop Ali Bongo se disqualifie et prend la route de l’inconnu.
Les Fangs nouvel horizon du pouvoir ?
Et pour se débarrasser du fantôme qui l’empêche de dormir,
Ali est près à tout, même à sacrifier l’Unité Nationale. Le pouvoir veut
réduire le peuple Gabonais à une bande de moutons par le simple fait de traiter
les Fangs de tribalistes.
Le peuple Gabonais doit s’en offusquer et d’arrêter de se
complaire dans cette posture que lui ordonne son silence. Les Fangs, toujours les
Fangs, encore les Fangs ce que l’on peut entendre par ci, par là. Les Fangs
subissent la vindicte de la minorité et des faibles d’esprits, accusés de tous
les maux simplement parce qu’ils sont bouillonnants, nombreux et ont le
sentiment tous d’être brillants. D’ailleurs ce sentiment attise en eux un
certain complexe de supériorité qui est mal ressenti par les « autres ». A tel
point que quand les Fangs sont dans quelque choses les « autres » ont cette
phrase « les fangs ! Ils sont trop » et quand ils leur arrivent un malheur
c’est unanime « ils aiment trop faire le malin tant pis… ». Aussi, une relation
durable et de confiance doit s'installer entre les Fangs et les
"autres". les Fangs doivent plus de considérations aux « autres » et
les « autres » doivent arrêter de voir en les Fangs des éternels
envahisseurs.
Bien entendu, cet imaginaire populaire est du pain béni pour
le pouvoir qui l’use en abondance pour distraire, diviser, faire peur, empêcher
toute fédération du peuple et déplacer le débat social et politique sur les
démons de l’Ethnie et du tribalisme. Ne nous mentons pas, si nous ne pouvons
pas vivre ensemble, tous ensemble, prenons nos responsabilités. La nation est
fondée sur l’adhésion commune à un idéal du vivre ensemble. Si ce contrat social
ne tient plus la route, soit on le change, soit on le rompt. Dans ce cas,
n’ayons pas peur des mots c’est la Séparation. Evitons donc, d’en arriver à
cette extrémité et des outils existent pour ça ! Le concept de Nation, le
sentiment d’appartenance au peuple Gabonais, les critères de la République Une
et indivisible doivent prévaloir au-dessus de Tout et de Tous.
Toute cette problématique devra faire partie des débats et
trouver une solution définitive lors de la Conférence Nationale Souveraine que
nous Tous souhaitons. Le peuple Gabonais avare de réactions et de personnalités
qui s’engagent fermement doit se ressaisir et empêcher cette forfaiture
criminelle qui consiste à opposer les filles et fils du Gabon. Il y a une
réalité que le débat ethnique veut occulter par-dessus tout : c’est la demande
sociale du Grand Parti des Exclus, de ceux qui souffrent de la corruption et du
chômage, la majorité des Gabonais sous le soleil qui vivent avec moins de 100
Cfa par jour, qui s’oppose au petit parti des gros pilleurs tapis dans l’ombre
de l’opulence.
Dr Guilou Steeve Bitsutsu-Gielessen Secrétaire Exécutif de
l’Union Républicaine pour la Démocratie et le Progrès
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