En route vers la Conférence Nationale Souveraine au Gabon.
Interview exclusive du Dr Guilou BITSUTSU-GIELESSEN, Secrétaire Exécutif de
l’URDP (membre de la CPPA).
Le 19 Juillet 2012
Nous (Fax1) avons interviewé Monsieur Guilou
BITSUTSU-GIELESSEN Secrétaire Exécutif de Union Républicaine pour la Démocratie
et le Progrès (URDP) parti de l'opposition Gabonaise membre de la Coalition des
Partis Politiques pour l'Alternance (CPPA).Monsieur Guilou BITSUTSU-GIELESSEN a
participé à la réunion de restitution des travaux préparatoire de la récente
Rencontre de Paris le 14 Juillet dernier et a été interviewé depuis par le Dr
Mouketou dans son émission sur INRI Radio / The Jack Roger Show. Il ré
interviendra ce soir sur cette radio, confronté à Monsieur Hermann Kamonomono,
Secrétaire général du PDG-Etats-Unis.
En résumé :
Les Bongo sont la cible mais l'objectif est ce système
criminel d’un autre âge. Au Gabon on est tenté d’imaginer qu’il faut un
président qui ne soit pas franc-maçon. Les leaders de l'opposition actuelle
sont et ont été les éminences des réseaux parallèles. Sans renouvellement des
élites dans la Haute Administration il n’aura pas de rupture. Les acteurs
politiques : nous devrions être un relais de la pression populaire et nous
engager à être les garants du respect de l'État de Droit. Les Gabonais se sont
déjà appropriés ce processus (de Conférence Nationale).La situation est
intenable politiquement et les risques de dérapage sont réels. Elle doit être
le socle de l'avènement de la deuxième République Gabonaise et de la rupture de
45 ans de dictature. Cette Conférence Nationale est le seul exutoire à la
violence.
Bonjour Monsieur BITSUTSU-GIELESSEN. Merci de présenter
rapidement l’URDP que personnellement je ne connaissais pas.
L’URDP (Travail-Justice-Patriotisme) est présidé par Jean
Marcel Mallolas professeur de Droit Public, assisté par Alain Engouang chef
d’entreprise, et moi-même. Je suis enseignant en Histoire à l'IFSP (Institut
des Finances et des Sciences Politiques) de Libreville. Après les
élections de 2009 et mon refus personnel d'adhérer à l'Union Nationale, je
prends la tête de l’URDP, parti d'opposition créé dans le sillage de la
conférence nationale de 1990 et j'imprime ma marque.
Quel est l'ancrage de l'URDP en terme géographique et
d’élus locaux?
L'ancrage se situe dans 5 des 9 régions du Gabon. Ayant
boycotté les dernières élections législatives avec l’ensemble de l’opposition,
pour l'instant nous n’avons pas d’élu local. Ce parti était en état
d’hibernation, nous sommes actuellement en train de le faire revivre.
Un micro, non
- un nano parti! En quoi est il utile dans le paysage politique actuel?
Il est micro c’est vrai mais il grandit. Il est utile car
géré par des hommes vierges de toutes compromissions avec les Bongo-PDG. Il
n’est pas un parti anti-Bongo mais plutôt antisystème Bongo-PDG. Avec une
audience jeune et fraiche.
Expliquez nous la notion de parti anti-Bongo vs parti
anti système Bongo-PDG. En quoi consiste concrètement le système Bongo?
Les partis anti-Bongo sont des partis d’opposition de
personnes et non d'idées. Ils ont pour la plupart participé à des gouvernements
de large ouverture sans imprimer la marque du changement ou de la rupture et la
plupart de leurs leaders sont issus du grand parti Etat qu’était le PDG. Ces
gens là ont été tellement bercés et formatés par le système qu'on peut craindre
qu'ils le reproduisent une fois portés aux affaires. Maintenant nous les anti
système, nous pensons que les Bongo ne sont que la personnification d'un mal
profond qui faut rompre définitivement. Les Bongo sont la cible mais l'objectif
est ce système criminel d’un autre âge.
Comment ce système criminel s'auto-entretient il?
Le système s'auto entretient par la fidélité à l'argent et
au gain facile, par des réseaux ethniques et familiaux. Etre franc-maçon est un
atout. Ensuite, par l'accaparement du bien public par une clique restreinte
autour des Bongo et qui par la suite redistribue les rôles et les prébendes.
Quels peuvent être les moyens pour le peuple gabonais
d'être parti prenante du débat public, et en capacité de contrôler l'action de
leurs élus?
Il y a aujourd’hui un gros travail à faire au sein du peuple
afin de lui rendre sa souveraineté et sa légitimité sans cesse bafouées depuis
45 ans. Pour cela il faut remettre à plat nos institutions, rédiger une
nouvelle Constitution, instaurer un État de Droit où chacun se reconnaitra,
bien mettre en place et garantir tous les éléments de la crédibilité d’une
élection . Quand le peuple saura qu'on respecte ses choix politiques et sa
parcelle de pouvoir que lui offre le suffrage universel, alors je pense que le
peuple pourra avoir la place qu’il lui revient dans le débat public et le
contrôle de ses élus.
Est il réalisable de contrôler / surveiller ses cercles
notamment francs maçons, qui créent manifestement un état dans l'état?
Chaque citoyen est libre de ses convictions religieuses ou
ésotériques. Etre franc-maçon est un choix personnel. Au Gabon il est connu de
tous que la franc-maçonnerie est instrumentalisée dans le but de canaliser les
élites et les têtes qui dépassent. Ses obédiences profitent de la misère et de
la pauvreté matérielle des élites en leur faisant miroiter moyennant une
adhésion un cursus honorum. Le chantage se résume ainsi : "Si vous êtes
avec nous on vous donne ça parce que nous contrôlons ça et vous ferez ça pour
nous". Quel signal donne t-on au peuple Gabonais quand le Président sitôt
après avoir prêté serment devant la Constitution prête ensuite serment en tant
que chef de tous les francs-maçons ? Au Gabon on est tenté d’imaginer qu’il
faut un président qui ne soit pas franc-maçon. La méritocratie, la transparence
et la démocratisation des postes et les fonctions dans l'administration
publique et des leviers du pouvoir signera la fin de leur emprise.
Cette analyse sur ces réseaux parallèles a t'elle été
reprise dans la déclaration de la rencontre de Paris du 30 Juin / 3
Juillet?
Je n'en ai pas connaissance, la rencontre de Paris a été
axée sur la conférence nationale que l'on souhaite de nos vœux : la refonte des
institutions et le mode des élections. On est toujours dans l'anti Bongo-PDG
mais pas assez dans l'antisystème. En effet, les méfaits que sont les
"cercles" et autres réseaux au Gabon sont le cœur du système. Mais,
soyons positifs, c’est un bon départ.
Puisque ceci est un phénomène connu, pourquoi cette idée
n’a pas été reprise?
Parce que simplement les leaders de l'opposition actuelle
sont et ont été les éminences des réseaux parallèles. Ils les entretiennent
toujours mais à leur fins. Aussi, il faut au préalable l’amorce d’un
renouvellement de la classe politique.
Donc, vous souhaitez que de nouveaux responsables
intègrent l’administration de l’Etat. Ces ressources humaines en quantité et en
qualité existent-elles pour refonder cette ossature ?
Sans renouvellement des élites dans la Haute Administration
il n’aura pas de rupture. L’administration gabonaise est un gage au népotisme,
les ressources humaines existent et foisonnent mais elles souffrent de
l’indifférence des gens du pouvoir. Elles seront très vite mobilisables pour la
reconstruction.
La fonction publique étant déjà largement en
surnuméraire, que faites vous des fonctionnaires en surplus ?
La fonction publique gabonaise n’est pas en surnuméraire, je
dirai plutôt qu’il n’y a pas de politique de recrutement ni de plan ou de suivi
de carrière. Il y a des administrations avec un trop plein et d’autres avec un
vide, notamment dans les agents d’encadrement. Il faudra rationaliser tout ça !
Pour revenir aux réseaux opaques, comment la pression
populaire pourrait elle les inciter à avoir un comportement dans le respect des
institutions de l'Etat? Est-il illusoire de vouloir contrôler ses réseaux ?
L’Etat de Droit et son respect sont la clé de voûte du
respect des institutions. Les réseaux opaques sont les enfants de la
corruption, il faut combattre la corruption pour les contenir. Mais vous savez
que dans tous les pays ces réseaux opaques existent.
Comment la population gabonaise pourrait elle agir
concrètement en tant que contre pouvoir? Comment s’informe-t-elle ? La
population gabonaise est mal informée et sous-informée. En tant que contre
pouvoir au sens démocratique du terme, il lui est quasiment impossible
d’exister, sauf à faire acte de violence, consécutif à une manifestation de
masse.
Vous paraît-il possible et faisable d'éveiller les
consciences? Si oui, comment?
Nous, les acteurs politiques, nous devrions être un relais
de la pression populaire et nous engager à être les garants du respect de
l'État de Droit. Nous devons nous armer de patience et de pédagogie pour la
transmission de notre message. La tolérance et le respect des uns et des autres
dans un pays multiethnique est un gage d’éveil des consciences et affermit la
nation. Aujourd’hui, quand je vois ce bouillonnement sur les réseaux
sociaux de ces jeunesses gabonaises, j’ai l'intime conviction que l'éveil est
en marche. Les réseaux sociaux sont un véhicule d’échanges unipersonnels qui
fait abstraction de l’origine ethnique ; c’est un élément fédérateur. Ils nous
font oublier l’absence et la censure des circuits classiques de relai de
l'information.
Quelle est selon vous la répartition entre les gabonais
du Gabon et les Gabonais de l'extérieur sur les réseaux sociaux?
J’ai été surpris de recevoir un message email d'un de mes
anciens élèves de 1996. Dans la discussion il me dit qu’il est à Lambaréné où
il vit maintenant. Je lui ai demandé s’il y avait internet là bas. Il m’a
répondu de façon évidente "bien sûr". Détrompez vous, internet se
propage au Gabon à une vitesse grand V et tous les gabonais y plongent pour
avoir les infos qu'ils n'ont pas des chaînes publiques. La tendance est en
train de s'inverser entre les nationaux utilisateurs des réseaux sociaux et la
diaspora.
Comment les messages sont ils in fine portés aux gabonais
du Gabon, qui représentent la plus grande proportion?
Tous les partis politiques de l'opposition ont aujourd’hui
un Monsieur Internet afin de les informer et de véhiculer leurs messages. Ils
sont tous là dans l’internet sous des pseudos et la population suit le
mouvement. Comme je l’ai dit, Internet est en train de contrer la censure et
l'absence d'espace d'information démocratique.
Avez-vous une idée du taux de pénétration d'internet au
Gabon?
Le taux de pénétration est légèrement inférieur au taux de
pénétration du téléphone portable. Tous les opérateurs proposent des offres
d'appels adossés à une offre de connexion internet. Les prix d'abonnement ont
beaucoup baissé et s'alignent sur ceux du Mali. De plus, la fibre optique a
fait son apparition. La société de consommation fait le reste. Avec de tels
canaux d'information, le bouche à oreilles est le relai final. Ne pas oublier
qu'on est en Afrique !
Donc vous êtes confiant sur la transformation des actions
d'éveil et de sensibilisation qui sont menées actuellement sur Internet en
actions concrètes sur le terrain?
Tout à fait, Je suis confiant sur la sensibilisation via
internet et les réseaux sociaux (Facebook, Twitter) et des blogs comme le
vôtre.
Dernière question : Quelles sont pour vous les chances de
succès de cette nouvelle conférence nationale ? Quelles assurances avez-vous
que les problèmes que vous avez indexés seront effectivement traités ? Que les
populations pourront réellement exercer leurs droits à s’approprier ce
processus, et à y participer?
Tout le monde a en souvenir les élections de 2009, la
contestation et la violence qui s’en est suivi. Personne ne prendrait le risque
de revivre ça ! Les Gabonais savent ce qu’on leur a volé lors de ce scrutin, la
preuve : le taux d’abstention 92% lors des élections législatives de 2011 qui
en dit long. Par conséquent, ils se sont déjà appropriés ce processus. Tout le
monde veut de cette Conférence Nationale, même le parti au pouvoir. La
situation est intenable politiquement et les risques de dérapage sont réels. En
cas de dérapage, le pouvoir a tout à perdre vu qu’il possède tout. Aussi, le
contexte politique s’y prête notamment avec l’arrivée de la Gauche française
aux affaires avec un Président qui a donné le ton lors de l’entrevue le 5
juillet avec le Président Gabonais.
Pour conclure cet entretien, souhaitez-vous revenir sur
un sujet que nous avons évoqué ensemble, ou souhaitez vous ouvrir une autre
perspective?
Le Gabon est à la croisée des chemins, ça passe ou ça
explose! La seule issue propre, honorable et pacifique au problème du blocage
politique du Gabon est une Conférence Nationale Souveraine d'un genre nouveau
en faisant abstraction de toute fanfaronnade et de tout opportunisme politique.
Elle doit être le socle de l'avènement de la deuxième République Gabonaise et
de la rupture de 45 ans de dictature. Cette Conférence Nationale est le seul
exutoire à la violence... Que chacun prenne ses responsabilités devant
l'Histoire. Je vous remercie.
Merci pour cet entretien de qualité. Nous reviendrons
vers vous au cours de ce processus patriotique et républicain, pour reprendre
le pouls de la situation.
Fax1, Le 18 Juillet 2012 – édité le 19 Juillet 2012 - publié notamment sur Gabon Enervant.
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